Depuis Citoyens Clandestins, DOA est un auteur qu’il faut suivre : chaque livre est attendu, anticipé, espéré : au point (malgré une timidité maladive) d’aller le faire chercher dans les bacs (le cinquième, bien sûr, le dernier, tout en dessous…) le jour même de sa sortie – c’est dire…
Au fin fond du Tarn-et-Garonne, à Moissac, (ville médiévale, ses vignes, son abbaye, son hospitalité…), se rencontrent, se percutent comme des particules instables : des trafiquants de drogues colombiens et napolitains, des avocats, des gendarmes, des paysans racistes et objets du racisme, un motard, un tueur paramilitaire, un clochard, un chien… La raison d’Etat. Le roman est dense, efficace à en oublier l’heure, à regretter d’être arrivé à sa station de RER pour aller bosser – à penser que le boulot est vraiment une perte de temps… Sec, violent, court (à peine plus de 200 pages) : raconter ne serait-ce que le début ce serait défleurir votre plaisir, la surprise… Le serpent aux milles coupures a la « caresse d’une machette. »
Wikipédia définit la « mondialisation » comme « l’expansion et l’harmonisation des liens d’interdépendance entre les nations, les activités humaines et les systèmes politiques à l’échelle du monde. Ce phénomène touche les hommes et les femmes dans la plupart des domaines avec des effets et une temporalité propres à chacun. » Le serpent aux milles coupures joue directement de cette ‘interdépendance’ qui bouscule notre propre ‘temporalité’. Quelques années auparavant, il aurait fallut des trésors d’inventivité, de multiples circonvolutions, à l’auteur pour que cette histoire soit vraisemblable. Aujourd’hui – et même si l’action se déroule en 2002 -, c’est juste cohérent avec notre monde – normal. Peut-être, de prime abord, peut-on trouver que le « point de départ rocambolesque handicape d’entrée de jeu le roman par son côté trop gros pour être honnête » – mais le penser, c’est manquer de lucidité. Nous y sommes. Tout simplement. C’est notre monde.
Le serpent aux milles coupures poursuit Citoyens Clandestins – et même étonnamment, va plus loin, non dans l’histoire à proprement parlé, mais en ce qu’il nous inclus comme victime potentielle et collatérale de ce ‘pur capitalisme.’ Les deux romans sont complémentaires, ils sont les deux faces de notre monde. La guérilla colombienne n’est pas si éloignée de la France dite profonde – et les techniques d’exécution de la Chine ancienne peuvent nous rattraper, tous, un jour, comme par mégarde, parce que nous étions au mauvais endroit au mauvais moment. « C’est tout ». Étrangement, le roman tout entier semble tenir dans cette dernière réplique : « c’est tout. » Le presque rien qui définit notre vie se conjugue avec des forces qui nous dépassent plus intensément, plus intimement que jamais. Si le battement d’aile du papillon illustre la théorie du chaos – intellectuellement stimulant, l’impact dans notre vie reste à déterminer – ici, c’est la mise ne branle de l’interdépendance de nos vies à tous qui effraie.
Le serpent aux milles coupures inverse notre rapport au monde, pour survivre. A lire, et à méditer.
PS : la fin réserve effectivement « une petite surprise […] dont on dira rien ici » – en fait, moins une surprise qu’un espoir de lecteur qui se réalise, et qui donne au livre, une petit touche, un zest, un plaisir inouie…
Une rencontre s’impose, il est encore des promesses non tenues…
Le 17, entre 19h30 et 21h00?
Malheureusement, je ne peux aller où vous serez que le samedi matin…
Alors, nous trouverons un autre moment.
Ecrivez-moi à l’adresse indiquée, SVP.